NOTE D’INTENTION

En 2020, alors que l’épidémie mondiale nous enfermait tous chez nous, j’ai assisté aux premières loges au combat déterminé, lent et secret de la femme que j’aime contre le cancer, monstre injuste et irrationnel. Saisi par cette détermination, ce courage silencieux, cette solitude inaccessible où une vie se joue et tant d’autres avec elle, j’ai décidé de témoigner de ce que j’ai contemplé : une guerrière totale, prête à tout pour préserver la vie.

Mon admiration ainsi forcée a fait son chemin jusqu’à cette idée : faire des portraits cadrés serré de ces femmes qui luttent contre le cancer le visage arborant des peintures de guerre inspirées de celles qui ornent les visages des guerriers des tribus amérindiennes, africaines, sud américaines etc…

Dans un combat, c’est la détermination qui fait la différence. Le parti pris de les maquiller ne vise pas à masquer les effets de la chimiothérapie mais au contraire à souligner l’engagement, vertu cardinale de ce projet. C’est un contrepied théâtral aux images de personnes malades que l’on voit habituellement et qui semblent promouvoir une douceur malheureusement bien absente. Si la patiente obéit et subit, la guerrière, elle, s’approprie son combat. Je vois cette photo comme une prise de pouvoir des femmes agressées par ce cancer. Je montrerai des femmes qui ne se cachent pas, des femmes qui rendent les coups.

Je veux que mes images frappent le public comme ces femmes sont frappées par l’entrée de cette barbarie dans chaque interstice de leur vie, violant leur intimité sans retenue.

Le cancer étant un ennemi sans frontières, cette exposition a vocation à être montrée partout où les femmes et les hommes peuvent être émus et agir. Elle sera sans nul doute accompagnée d’un livre où j’aurai couché par écrit le cheminement philosophique et émotionnel de ce travail, un livre qui sera également un dernier hommage à celles qui ne seront pas là pour témoigner.

Le cancer nous concerne tous, sans distinction de sexe, de position sociale, de religion, de couleur de peau ou de mœurs. Ce combat peut nous rassembler. C’est un engagement personnel de celles que je photographierai et collectif de tous ceux qui contempleront ces portraits et prendront, je l’espère, conscience que l’humanité entière doit se mettre en mouvement pour faire cesser cette barbarie.